Avant la Révolution de 1789, l'Enseignement était sous la dépendance du clergé et c'était la communauté villageoise qui choisissait le Maître d'école et traitait avec lui. Si plusieurs candidats se présentaient, on les faisait chanter au lutrin et souvent la force de leurs poumons et la sonorité de leur larynx déterminaient le choix.
Le Maître d'école était un personnage aux fonctions multiples. Il était, selon les heures, sonneur de cloches, fossoyeur, horloger, jardinier et, point particulièrement important, bedeau et chantre.
L'élection du Maître d'école avait lieu généralement à l'issue de la messe paroissiale en présence du village réuni.
Après une longue délibération, quand tout le monde était d'accord sur le nom du futur instituteur, le Prieur rédigeait un traité où étaient énumérées toutes les obligations incombant à l'élu et les avantages concédés par la paroisse.
En dehors des multiples charges qu'il devait honorer (enterrements, servir les offices, blanchir le linge de messe, entretenir les vêtements sacerdotaux, accompagner le Prieur auprès des malades) le Maître d'école devait suivre une règle de vie très stricte : "...les maîtres porteront leurs cheveux plus courts que le commun des laïques. Il leur sera defendu de boire ou de manger dans les cabarets du lieu de leur résidence, de jouer en public du violon, d'aller aux danses publiques, aux veillées, aux fêtes, sous peine de révocation de leurs pouvoirs" (Règlement du Diocèse d'Amiens 1732).La révolution changea radicalement cet état de choses. La suppression du culte en 1793 tarit une part importante des revenus du maître.
La classe servit souvent de siège a l'administration communale dans les communes rurales, et cet état de chose était encore courant dans certains villages retirés jusqu'au XXe siècle.Pendant la durée du gouvernement révolutionnaire, les Maîtres étaient élus par le peuple. Ils furent ensuite désignés par les jurys d'instruction dont les membres étaient désignés par les districts.
Ensuite, ce fut le département qui les nomma sur la présentation des municipalités du canton et sur un certificat du jury d'instruction (Loi du 3 Brumaire An IV 25.10.1795).
La série R des Archives du Loir et Cher recèle de nombreux documents qui démontrent ce fait :"Ce jour d'huy 7 floréal an IX de la République, par devant nous Jacques DELECLUZE DELARCHE et Salomon Pierre JOLLY, composant seuls le jury d'instruction établi près le ci-devant canton de Mer, rassemblés en la maison du dit citoyen DELARCHE, est comparu le citoyen Jean Marie LANDAIS pour concourir, conformément à la loi du 3 brumaire et les arrêtés de l'administration communale du département de Loir et Cher en date du 4 nivôse an Vl, à la place d'instituteur de la commune de Maves. Apres l'avoir fait lire, écrire, questionné sur les règles de l'arithmétique et lui en avoir fait faire quelques unes, nous l'avons trouvé faible sur ces différentes parties. Cependant considérant que les petites communes de campagne ne présentent que des exhibitions trop médiocres pour y appeler des hommes de talent, qu'il vaut mieux qu'il y ait des instituteurs peu instruits que de n'y en avoir point du tout, que d'ailleurs les maires et les notables de la commune de Maves le désirent, ainsi qu'il résulte du certificat de civisme qu'il lui ont délivré. Nous arrêtons que le dit citoyen Jean Marie LANDAIS se retirera par devers les autorités compétentes pour y obtenir la nomination à la place d'instituteur de la commune de Maves, à l'effet de quoi il lui sera délivré copie du présent procès-verbal".
L'habitude pour le Maître d'exercer un autre métier continue au delà de la Révolution. Mal payé, le métier d'appoint prend souvent le pas sur leur charge.
C'est ainsi qu'en 1813, on notait comme autres métiers exercés par les instituteurs : tisserand (à Huisseau/Cosson), jardinier(à Chambon/Cisse), garde-vente (à Marchenoir), arpenteur (à Josnes).
A Saint Dié, l'instituteur tenait en même temps le bureau de tabac, et à Saint Leonard il était garde-moulin pendant l'été. Leur science générale bien mince, laisse deviner le genre de formation intellectuelle qu'ils pouvaient transmettre aux enfants du village. Encore fallait-il que l'école fut fréquentée. Les ruraux ont toujours utilisé aux travaux des champs la main d'œuvre enfantine. Dès que les garçons étaient en âge de participer aux taches saisonnières, ils désertaient l'école.
Les filles étaient encore moins assidues car elles participaient très tôt aux soins du ménage, quand ce n'était pas elles qui gardaient le bétail à la pâture. Nous devons aussi penser que les pauvres gens renonçaient à cet embryon de scolarisation faute de pouvoir payer le maître.
Les communes où une fondation assurait à ce dernier un revenu étaient rares et c'était aux parents d'en assumer la charge.A partir de la politique de laïcisation de l'école, des premières lois FERRY en 1881 à la séparation de l'Eglise et de l'Etat, on retrouve la fameuse lutte de l'instituteur et du curé.
Dans de nombreux villages divisés en deux camps, s'établira une guerre folklorique que les forces équilibrées rendront inoffensive sur le plan physique. La guerre civile morale prendra maintes formes différentes et diffusera partout, diversement rétractée dans chaque village, l'éclat des luttes politiques nationales.
Les Instituteurs de jadis
(du 17eme siècle à la Révolution)
Extrait du Journal local de Montargis (le Gâtinais)(relevé à la bibliothèque communale de Montargis)
Extrait des obligations de l'instituteur, Sieur DUPUIS, natif d'Aire en Artois, nommé à Aulnay la Rivière, en remplacement de Sieur BRASSAMIN admis à la retraite (note du 30 novembre 1758)
1) "Il sera tenu d'assister à tous les offices de la paroisse sans exception un seul, pas même les "obit" et services de fondation, salut et autres prières qui se font dans l'Eglise; accompagner M. le Curé dans l'administration des sacrements tant dans l'Eglise qu'en dehors, la nuit et le jour, ne s'absenter jamais de la paroisse, ni de son devoir que, préalablement il n'en ait reçu permission de M. le curé;répondre tous les jours aux messes basses qui se célébreront dans l'église ou pourvoir qu'il y ait des répondants; assister au catéchisme et instructions qui seront faites à l'église; y préparer les enfants à son école au moins deux fois par semaine; se conformer aux usages du diocèse et aux renseignements qui lui seront prescrits par M. le Curé".
2) "Instruire gratis les enfants des pauvres de la paroisse, lesquels il admettra à ses instructions en lui apportant un billet de M. le Curé qui les reconnaîtra pour pauvres et faits pour participer au bienfait de la fondation du dit Sieur Pierre DEMAROLLES, ancien Comte de Rocheplatte.
3) Les père, mère et autres payeront pour chaque mois sept sols pour les enfants de l'A.B.C., dix sols pour ceux qui commencent à lire dans le français, et dans le latin douze sols; dix huit sols pour ceux qui lisent dans les contrats, apprendront à écrire l'arithmétique; ces sommes étant augmentées pour l'indemniser des sacrifices qu'il fait en faveur de son prédécesseur.
4) L'école commencera tous les ans le lendemain des Trépassés, par une messe du Saint Esprit et continuera jusqu'au 30 Avril pour le prix ci-dessus et depuis le 1er Mai, pendant l'été où les enfants iront à l'école les habitants s'engagent à donner deux sols de plus par classe. L'école commencera tous les jours en hiver à 7 heures et finira à 11 heures, recommencera à midi environ et finira le soir à 4 heures.