LES
MAÇONS ET LES TAILLEURS DE PIERRE
(Extrait de Les métiers et leur histoire, paru en 1908)

Armoiries des maçons
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Bien que, de tout temps, l'on ait beaucoup construit en France,
l'histoire ne nous apprend pas grand
chose des bons travailleurs qui ont édifié nos palais, nos
cathédrales ou nos hôtels de ville. Au Moyen Age, la même
corporation comprenait les maçons, les tailleurs de pierre, les plâtriers et les morteliers ; les uns et les
autres étaient sous la surveillance du maître maçon
qui dirigeait la construction du roi.
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En ce temps-là, les mots maçon et
tailleur de pierre avaient un sens plus tendu que de nos
jours ; le terme de maçon désignait fréquemment l'architecte,
et le tailleur de pierre était souvent un sculpteur, parfois aussi
un entrepreneur.
C'est ainsi qu'on voit en 1287 maître Étienne de Bonneuil, tailleur de pierre, passer un contrat avec dix
ouvriers pour les emmener avec lui construire la cathédrale
d'Upsal en Suède. Il y avait alors souvent d'amusants usages
sur les chantiers de construction.
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Maçons, tailleurs
de pierre, etc. Cathédrale de Chartres.
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Un échafaudage
au début du
XXe siècle
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D'après un curieux récit de l'édification d'un des grands collèges
parisiens au XIVe siècle,
le collège de Beauvais, les maçons réclamèrent le jour de
carême, comme dédommagement d'un travail ininterrompu depuis
plusieurs mois, une « courtoisie, à savoir la chair d'un mouton à manger ensemble ». Le jour de l'Ascension, on fit mieux encore ; on réunit
dans un grand banquet tout le chantier, maîtres, compagnons
et apprentis ; on y convia les parents avec leurs enfants :
les boursiers du collège y assistaient également, et enfin
le directeur de l'entreprise, le grand architecte, Raymon
du Temple, vint honorer le banquet de sa présence, « avec sa femme et plusieurs
autres personnes ».
Sans avoir aujourd'hui une signification aussi étendue qu'au Moyen
Age, le mot maçon désigne encore pour ceux qui ne sont
pas du métier un grand nombre de travailleurs différents.
On compte parmi eux jusqu'à vingt catégories distinctes, parmi
lesquelles on remarque de préférence les limonsinans, qui construisent les murs en moellons
ou en meulières, les briqueteurs, qui font les cheminées,
les cimentiers, qui n'emploient que le béton ;
les maçons proprement dits ne travaillent que le pâtre,
les uns ne font que les moulures, les autres préparent les
plafonds, etc. De même chez les tailleurs de pierre, chacun
a sa spécialité.
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En apparence, ce métier ne s'est pas beaucoup modifié ; et cependant,
là encore, plus d'un changement s'est produit, grâce à l'introduction
de machines ou grâce à des pratiques nouvelles.
On ne voit plus que rarement de nos jours, comme autrefois, des
ouvriers placés le long d'une échelle, le dos tourné aux échelons,
se passer les briques les uns aux autres depuis le bas jusqu'en
haut de la construction ; ce sont aujourd'hui des treuils
qui hissent tous les matériaux, qu'on peut entasser en plus
grande quantité sur des échafaudages plus solidement construits.
On apporte maintenant à l'édifice en construction les pierres de
taille toutes prêtes à être posées à leur place sans hésitations :
aussi ne voit-on plus ces chantiers qui empiétaient sur la
rue et gênaient la circulation ; nos oreilles ne sont
plus torturées par le grincement de la scie des tailleurs
de pierre. Le résultat, c'est que l'on construit de notre
temps beaucoup plus vite qu'autrefois, et qu'il ne faut plus,
pour élever le gros oeuvre des formidables maisons parisiennes,
que quelques mois au lieu de quelques années.
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Construction d'une
cathédrale au XVe siècle
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