LES
CHAUDRONNIERS ET LES FERBLANTIERS
(D'après un texte paru
en 1908)
Voici encore une industrie qui s'est bien modifiée depuis le Moyen
Age. Aujourd'hui les chaudronniers fabriquent dans des usines d'énormes
chaudières pour les machines à vapeur, des récipients de grandes
dimensions pour les distilleries, brasseries, sucreries, des réservoirs
et des conduites métalliques ; la plus grosse partie de ce
travail se fait à la machine, et l'ouvrier n'intervient guère que
pour ajuster les pièces ou parfaire le travail encore parfois grossier
de la machine.

L'atelier d'un chaudronnier
au XVIIIe siècle
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Autrefois, au contraire, le chaudronnier ne travaillait
qu'à la main ; il ne faisait que les ustensiles de cuivre
réservés aux usages domestiques ou les pièces importantes
destinées au culte, telles que les lutrins et les fonts baptismaux,
ou les candélabres.
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C'était souvent un artiste, et jusqu'au XVIIe
siècle les chaudronniers nous ont laissé des pièces admirables qui
font l'ornement de nos musées et de nos églises, comme le merveilleux
chandelier de la cathédrale du Mans. Cette industrie était répandue
dans toute l'Europe, mais la ville de Dinant, sur la Meuse, aujourd'hui
en Belgique, avait une réputation spéciale pour ce genre d'ouvrages.
A Dinant, jusqu'à la prise et la destruction de la ville
par Charles le Téméraire en 1466, on fabriqua surtout les
ustensiles de ménage, les coquemars, les aiguières, les flambeaux
à figures d'hommes ou d'animaux, les bassins, les mortiers,
etc. La gloire de Dinant en ce genre d'ouvrages était si bien
établie, qu'on appelait souvent les chaudronniers dinandiers ;
on les nommait aussi parfois maignans, d'un vieux mot français, magnien, qui signifie chaudron.
Dans ce métier, comme dans beaucoup d'autres au Moyen
Age, il y avait une aristocratie de gros fabricants et une
classe dédaignée de pauvres ouvriers ; les premiers étaient
les chaudronniers proprement dits, qui, liés à demeure
dans leurs ateliers, fabriquaient tous les beaux objets ;
les autres étaient les chaudronniers dits au sifflet :
ils n'avaient pas le droit de travailler dans les villes où
les chaudronniers étaient constitués en communautés. Sifflotant
dans une flûte de Pan, d'où leur nom, ils parcouraient les
villages, ayant tout leur attirail dans un sac qu'ils portaient
sur leur dos ; à eux les étamages, les raccommodages
et parfois aussi la vente des vieux objets de cuivre.
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Chaudronnier ambulant
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Armoiries et jeton
de la communauté
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A côté de la chaudronnerie, qui ne travaille que le cuivre
ou le bronze, s'est développée dans les temps modernes l'industrie
du fer blanc, qui consiste dans la fabrication d'objet faits
avec des feuilles de fer mince trempées dans de l'étain en
fusion. C'est une industrie récente ; le procédé de fabrication
passe pour avoir été inventé en Bohême, à la fin du XVe
siècle.
Colbert se donna beaucoup de peine pour l'introduire en
France ; il chargea un représentant du roi de France
en Allemagne, l'abbé de Gravel,
de corrompre quelques ouvriers allemands et de les amener
en France. L'abbé y réussit, et ces ouvriers fondèrent à Beaumont
dans le Nivernais notre première fabrique de ferblanterie.
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Depuis, cette industrie a prospéré ; elle s'est beaucoup augmentée
de nos jours, par suite du développement de la préparation des conserves
alimentaires, poissons, viandes, légumes, etc., que l'on renferme
dans des boîtes en fer blanc.
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