HISTOIRE DES CALENDRIERS

 

Les calendriers romains primitifs

 

Notre connaissance des calendriers romains primitifs est partielle et confuse. Les plus anciens auteurs qui en parlent se basent sur des documents dont aucun ne nous est parvenu et dont les informations se contredisent parfois.

 

Le calendrier de Romulus

Le créateur du calendrier romain primitif serait Romulus lui-même, le mythique fondateur et premier roi de Rome.

Combien ce calendrier comportait-il de mois ?
D'après Plutarque, douze : « Il [Numa] remua aussi l'ordre des mois : car le mois de mars qui auparavant était le premier, il le fit troisième, et fit de janvier le premier qui sous Romulus était le onzième et février le douzième et dernier ».
Censorinus est plus prudent : « Lucinius Macer et, après lui, Fenestella ont écrit que l'année naturelle des Romains a été d'abord de 12 mois, mais il faut plutôt s'en rapporter à Junius Gracchanus, à Fabius, à Varron, à Suétone et aux autres auteurs, qui pensent qu'elle était de 10 mois seulement, comme l'était alors celle des Albains, d'où sont sortis les Romains ».
Plutarque lui-même se contredit : « Toutefois plusieurs ont l'opinion que Numa y ajouta ces deux, janvier et février, parce que les Romains au commencement n'avaient que 10 mois en l'an », et plus loin ; « Et que les Romains, au début, englobait l'année entière en 10 mois, et non 12, apparaît clairement par le nom du dernier, décembre, qui signifie le dixième. »
Macrobius est formel : « … les Romains [ont] autrefois, à l'instigation de Romulus, divisé leur année en dix mois, année qui commençait en mars et se composait de 304 jours, de telle sorte que six mois, à savoir avril, juin, sextilis, septembre, novembre et décembre fussent de 30 jours chacun, et que les quatre autres, mars, mai, quintilis et octobre eussent un total de 31 jours chacun » (les mois de juillet et d'août portait encore leur nom originel, cinquième et sixième). On retrouve la même répartition chez Censorinus.

Les 10 mois de l'année de Romulus
Nom du mois Durée

Martius

31

Aprilis

30

Maius

31

Junius

30

Quintilis

31

Sextilis

30

September

30

October

31

November

30

December

30

Pour Macrobius et Censorinus, il n'y a aucun doute sur le fait que mars fût le premier mois de l'année. Outre le texte cité plus haut (…car le mois de mars qui auparavant était le premier…), Plutarque, revient encore le sujet : « … et que le mois de mars fût le premier, on peut le conjecturer encore parce que le cinquième s'appelle Quintilis et le sixième sextilis … »

Un tel calendrier est particulièrement peu pratique : très rapidement il n'est en accord ni avec la lune, ni avec le soleil et il faut rapidement corriger l'écart avec les saisons : « Mais comme un tel nombre [304] ne s'accordait ni avec le cours du soleil ni avec les phases de la lune, il arrivait que les froids de l'année se fissent sentir pendant les mois assignés à l'été et inversement, les grandes chaleurs pendant les mois assignés à l'hiver ; toutes les fois que se produisait le phénomène, on laissait s'écouler, sans référence à aucun mois, le nombre de jours nécessaires pour parvenir à la saison de l'année où l'état du ciel fût en rapport avec le mois où l'on allait entrer. » Macrobius.
Cela est à rapprocher des écrit de Plutarque (décidément ont trouve tout et son contraire chez Plutarque) : « Durant le règne de Romulus, ils [les Romains] laissaient leurs mois courir sans durée égale et préétablie ; certains contenaient 20 jours, les autres 35, d'autres plus encore … ils ne s'en tenaient à la seule règle que l'année eut 360 jours. ».
La conclusion de tout cela est … qu'il est bien difficile de conclure !

 

 

 

Le calendrier de Numa Pompilius

Douze mois et 354 jours

Selon Macrobius, Numa Pompilius, le 2e roi de Rome, transforma rapidement ce calendrier en un calendrier tout d'abord purement lunaire (ou plus exactement luni-solaire) : Au 304 jours du calendrier de Romulus furent ajoutés 50 jours pour donner une année de 354 jours, soit classiquement la durée d'une année lunaire où la lunaison, évaluée à 29 jours 1/2, est répartie en 12 mois d'alternativement 29 et 30 jours. « Bientôt les peuples voisins adoptèrent le calendrier de Numa et se mirent à compter dans leur année le nombre de jours et de mois fixé par Pompilius, mais ils s'en distinguaient en faisant alterner des mois de 29 et 30 jours » Macrobius.
Les 6 mois de l'ancien calendrier qui comportaient 30 jours virent leur durée réduite de 1 jour et les 56 jours supplémentaires du nouveau calendrier furent répartis en 2 mois de 28 jours, janvier et février.

Le début de l'année

Pour Macrobius, il est clair que janvier et février furent ajoutés dans cette ordre : « Puis il appela janvier le premier de ces deux mois et voulut qu'il commençât l'année … quand au second, il le consacra au dieu Februus … ». Nous avons vu plus haut que Plutarque est de cet avis, mais j'ai vu plusieurs fois qu'à l'origine cet ordre aurait été février suivi de janvier, jusqu'en 450 av. J-C (ou 449) quand les Decemviri [1] inversèrent l'ordre. De plus, c'est à cet date que janvier serait devenu le premier mois de l'année, à moins que ça ne soit encore plus tard, en 158 av. J-C quand une réforme fixa au 1er janvier le début de la magistrature consulaire et il est possible qu'on en ait profité pour aligner également l'année civile sur cette date. Macrobius lui-même se contredit sur ce sujet lorsqu'il parle des intercalations censées recaler le calendrier avec les saisons : « Pour recevoir chaque intercalation, les Romains choisirent le mois de février, parce qu'il était le dernier de l'année ».

Douze mois et 355 jours

Très rapidement un 355e jour fut ajouté à l'année romaine. « Peu après, en l'honneur du nombre impair, dont la nature n'a pas attendu les révélations pythagoréennes pour enfanter le mystère, Numa ajouta un jour qu'il donna au mois de janvier, pour conserver un nombre impair de jours tant dans l'année que dans chaque mois en particulier, à l'exception du seul février » Macrobius.
Censorinus parle directement d'une année de 355 jours tout en signalant le décalage par rapport au cycle lunaire et en donne la raison suivante : « Quant à cette différence d'un jour en plus, elle est due ou à un défaut d'attention, ou plutôt, selon moi, à ce préjugé superstitieux d'après lequel le nombre impair était considéré comme parfait et plus heureux. »

Le calendrier de Numa Pompilius
(attention à l'ordre et au nombre de jours de janvier et février)
Nom du mois Durée

Martius

31

Aprilis

29

Maius

31

Junius

29

Quintilis

31

Sextilis

29

September

29

October

31

November

29

December

29

Januarius

28 puis 29

Februarius

28

Les intercalations

Même si elle n'a pas duré longtemps, je pense que l'année de 354 jours a réellement existé : pour garder leur calendrier en phase avec les saisons, les Romains auraient commencé par utiliser un système similaire à l'octaétéride que l'on doit aux Grecques.

Dans ce système, on utilise un cycle de 8 années où les 90 jours nécessaires pour rattraper l'écart entre l'année lunaire et l'année solaire sont répartis en 3 mois de 30 jours (écart entre 8 années solaires de 365,25 jours, soient 2922 jours, et 8 années lunaires de 354 jours, soient 2832 jours).

La méthode utilisée par les Romains était différente : « … les Romains comptaient, en suivant les Grecs, pour une période de huit ans un vide de 90 jours à remplir et, intercalant tous les 2 ans alternativement 22 et 23 jours, ils le comblaient en recourant à quatre intercalations ». Macrobius.
Il me semble évident que ce système n'aurait pas été utilisé à priori avec un calendrier de 355 jours, mais qu'il a pu perdurer après une réforme portant la durée de l'année de 354 à 355 jours. « les Romains voulurent donc, eux aussi, imiter cette disposition, mais en vain, car il leur échappa qu'ils avaient ajouté un jour au nombre retenu par les Grecs, comme je l'ai signalé plus haut, en l'honneur du nombre impair. De ce fait au bout de 8 ans, le nombre et la disposition des jours ne pouvaient convenir. » Macrobius.
Quoiqu'il en soit, tous le monde est d'accord pour signaler que des intercalations étaient insérées entre le 23e et le 24e jour de février. « Cette intercalation se fit en février de préférence, entre les Terminales et le Régifugum », Censorinus, et « [l'intercalation intervenait] chez les Romains non après la fin du mois de février, mais après son 23e jour, plus précisément après la célébration des Terminalia. Quant au jours restants du mois de février, au nombre de 5, on les rattachait à la suite des jours intercalaires, en raison, je crois, d'un vieille tradition religieuse voulant que mars, de toute façon, suivît immédiatement février », Macrobius.

Le pouvoir des Pontifes

Les opinions divergent au sujet des mesures qui furent prises lorsque l'erreur des intercalations fut découverte.

Selon Censorinus, « cette état de chose dura bien du temps avant que l'on ne s'aperçût que les années civiles étaient un peu plus longues que les naturelles. Pour corriger cette inexactitude, on s'adressa aux pontifes à qui l'on confia le soin de faire l'intercalation comme ils l'entendaient ».
Pour Macrobius, « quand cette erreur eut été à son tour reconnue, on adopta le système suivant de correction. Au troisième cycle de 8 ans, ils répartissaient les jours à intercaler de façon à introduire non pas 90 jours, mais 70, supprimant 20 jours pour compenser l'excédent survenu pendant le même nombre d'années, par rapport au comput des Grecs ».
Ensuite les choses se compliquent. Toujours selon Macrobius, les Romains voulaient à tout prix éviter que les nundinae [2] ne tombassent le premier jour de l'année ou le jour des nones [2] ; A chaque fois que le début d'une année avait coïncidé avec une célébrations des nundinae, cette année avait été particulièrement néfaste. D'autre part, les nundinae étaient des événement attirant toujours une grande foule et traditionnellement les nones étaient l'occasion de célébrer la naissance de Servius Tullius, un ancien roi de Rome, bien après la fin de la royauté. On craignait que la conjonction des deux événements (nundinae et nones) ne soit une occasion de faire la révolution par regret de la royauté.
Les pontifes [3] furent chargés de régler le problème : « Voilà pourquoi ce jour que nous avons mentionné en excédent dans l'année fut laissé à la discrétion de ceux qui réglaient le calendrier pour être intercalé à leur gré, pourvu qu'il fût placé au milieu des Terminalia ou du mois intercalaire, de façon à tenir l'affluence des nundinae à l'écart de jour redouté » Macrobius.
Ainsi, non seulement il y aurait eu des mois intercalaires précisément réglés mais également des jours intercalaires à la discrétion des pontifes.
Pour compliquer le tout, Macrobius termine le livre XIII des Saturnalia par des considérations sur la date d'introduction des jours intercalaires qui varient de l'époque de Romulus jusqu'au consul Manius Furius en 562 AUC, puis commence le livre XIV par : « Cependant, il y eut un temps où, par superstition, on négligea toute espèce d'intercalation, mais, quelquefois, par complaisance des pontifes qui, dans l'intérêt des publicains, voulaient à dessein allonger ou raccourcir l'année, survenait tantôt une augmentation, tantôt une diminution du nombre de jours et, sous prétexte d'exactitude, naissait un plus grand risque de confusion. » Cela se rapproche de l'opinion de Censorinus citée au début de ce paragraphe, et lui même ajoute « La plupart d'entre eux, par haine ou par faveur, pour que telle magistrature finisse plus tôt ou dure plus longtemps, ou que les adjudicaires publics gagnent ou perdent selon la durée de l'an, intercalant plus ou moins selon leurs souhaits, détériorèrent encore plus ce qu'on leur avait confié pour le corriger  » Notez cependant que Macrobius parle d'augmentation et de diminution.
Ovide raconte qu'une année, les pontifes n'avaient pas encore pris leur décision le 14 février. Il est vrai que du calendrier dépendait la durée des magistratures consulaires et qu'intercaler ou non un mois pouvait favoriser ou défavoriser un ami ou un ennemi politique. Dans ces conditions, les discussions sur l'opportunité d'intercaler ou non un mois ne devait avoir que peu de rapports avec le rythme harmonieux des saisons !
Si bien qu'en 46 av. J-C, le calendrier était en retard de 3 mois par rapport aux saisons. Ce fait aurait été confirmé par un événement astronomique (une éclipse de lune ?) relaté et daté par les Romains et que l'on a pu recalculer.

Il était temps que Jules César remette de l'ordre dans tout cela.

 

 

Les jours romains
 
A l'époque républicaine et au Haut Empire, l'année était divisée en semaines de huit jours (notés de A à H sur les calendriers), avec un marché chaque neuvième jour (nundina). Sur les calendriers perpétuels, la suite des lettres A-H commençait par A au premier janvier et continuait jusqu'au 31 décembre, ce qui fait que le jour de marché (nundina) tombait sur une lettre différente d'une année sur l'autre. Nous supposerons qu'en 1997 les jours de marché sont ceux marqués A.
 
Le premier jour du mois était les calendes (Kalendae) ; le 7e jour (en mars, mai, juillet, octobre) ou le 5e jour (les autres mois) était les nones (Nonae) et le 15e jour (en mars, mai, juillet, octobre) ou le 13e jour (les autres mois) était les ides (Idus). Les autres jours du mois étaient comptés en jours jusqu'à l'étape suivante (l'étape elle-même étant inclue dans le décompte) : 3e jour avant les nomes, 7e jour avant les ides, 4e jour avant les calendes du mois suivant. Puisque le jour des calendes, des ides ou des nones était inclus en tant que "jour 1" dans le décompte des jours précédent, l'avant dernier jour d'octobre était appelé ante diem tertium kalendas Maias (3e jour avant les calendes de mai). Le dernier jour du mois était pridie (la veille) Kalendas ; on avait de même pridie Nonas et pridie Idus.
 
Exemples: 2 janvier : ante diem quartum nonas Januarias ; 7 février : ante diem sextum idus februarias ; 15 avril : a. d. septimum decimum kalendas Maias. Les adjectifs ordinaux latins (à l'accusatif) qui vous permettront de former le nom de tous les jours sont les suivants:
19° : undevicesimum (XIX)
18° : duodevicesimum (XVIII)
17° : septimum decimum (XVII)
16° : sextum decimum (XVI)
15° : quintum decimum (XV)
14° : quartum decimum (XIV)
13° : tertium decimum (XIII)
12° : duodecimum (XII)
11° : undecimum (XI)
10° : decimum (X)
9° : nonum (IX)
8° : octavum (VIII)
7° : septimum (VII)
6° : sextum (VI)
5° : quintum (V)
4° : quartum (IV)
3° : tertium (III)
2° : pridie (PR)

 

Les jours fastes et néfastes
 
Les jours fastes (fasti) sont ceux pour lesquels les activités humaines sont permises sur le plan mystique tandis qu'elles ne le sont pas les jours néfastes (nefasti). En particulier, les activités publiques telles que les sessions des tribunaux et les assemblées du peuple (comices) ne sont possibles que les jours fastes (et encore, uniquement les jours fastes dits "comitiaux" pour les comices). Il ne faut pas confondre les jours fastes ou néfastes avec les jours de fête (festi) réservés aux dieux et les jours ouvrables (profesti). Cependant, tous les jours de fête publique sont également déclarés néfastes, ce qui veut dire que toute activité humaine effectuée ces jours là ne bénéficierait pas d'une assise mystique.
 
Dans les calendriers, les jours fastes ordinaires sont marqués F tandis que les jours fastes marqués C sont ceux pour lesquels peuvent de plus se tenir les comitia (assemblées du peuple). Les jours néfastes simples sont marqués N et ceux qui correspondent à une fête publique sont notés NP. Les jours EN (endotercisi, coupés à l'intérieur) sont néfastes matin et soir, fastes l'après-midi, les jours Q.R.C.F. (quando rex comitiavit, fas ) néfastes deviennent fastes lorsque le rex sacrorum a déclaré ouvertes les comices. Enfin le 15 juin, noté Q.ST.D.F. (quando stercus delatum, fas) devient faste lorsque l'on a ôté les ordures du temple de Vesta.

 

NOTES

[1] Littéralement 10 hommes en latin. Tout groupe de dix personnes. Decemviri legibus scribundis : nommées temporairement pour régler un conflit entre les Plébéiens et les Praticiens, un premier collège établit en 451 av. J-C un ensemble de lois modérées regroupées en dix tables. Un deuxième collège compléta le code avec deux nouvelles tables moins favorables aux plébéiens puis fut forcé à démissionner en 449 av. JC à cause de ses dérives tyranniques. (retour)

[2] nundinae : les Romains utilisaient une période de 8 jours semblables à nos semaines, les nundinae. Le huitième jour était l'occasion de célébrations particulières. Le terme nundinae, où l'on retrouve neuf est à rapprocher à l'expression française quinze jours qui signifie deux semaines, et qui ne comptent que 14 jours.
Les nones étaient le septième jours des mois de 31 jours et le cinquième des autres mois. (retour)

[3] Pontifes : membres d'un conseil de prêtres dans la Rome ancienne qui guidaient et surveillaient la vie religieuse romaine et ses rapports avec la vie civile. (retour)