HISTOIRE DES CALENDRIERS

 

Le calendrier julien

 

La Gaule selon Astérix Nous sommes en 50 av. J-C. Toute la Gaule est occupée par les Romains. Toute ? Non ! un village … Mais qu'est ce que je raconte ?

En 50 donc, Jules César est sorti vainqueur de la guerre des Gaules. Dix ans plus tôt il avait formé un triumvirat avec Grassus et Pompée mais depuis les liens qui avaient unis les trois hommes s'étaient distendus : Grassus avait péri dans une expédition contre les Parthes en 53 et la fille unique de César, Julia, qui avait épousée Pompée, était décédée en 54.
Dix ans après avoir été consul une première fois (en 60 av. J-C donc), Jules César pouvait prétendre à être à nouveau nommé par le sénat, mais pour cela il devait tout d'abord démissionner de son poste de gouverneur des Gaules, ce qui signifiait perdre le contrôle de son armée et revenir seul à Rome, au risque de se trouver à la merci de son « ami »  Pompée qui, nommé consul unique en 52, accumulait la plupart des pouvoirs. Malgré plusieurs résolutions du sénat pour tenter de régler le conflit, les deux hommes n'arrivèrent pas à trouver un compromis et dans la nuit du 10 au 11 janvier 49, César franchit à la tête de ses légions la petite rivière le Rubicon qui marque la frontière entre la Gaule cisalpine et l'Italie proprement dite, déclenchant ainsi une guerre civile qui devait durer deux ans. César envahit rapidement toute l'Italie puis parvint à détruire l'armée de Pompée déployée en Espagne avant de retrouver celui-ci en Thessalie (en Grèce) et le vaincre à Pharsale le 9 août 48. Pompée parvint à s'enfuir en Égypte (où il sera assassiné par un officier de Ptolémée), poursuivi par César qui hiverna avec son armée à Alexandrie.
A l'époque, cette cité était l'un des plus importants - si ce n'est le plus important - centres astronomiques et culturels du monde « méditerranéen », avec - entre autre - sa célèbre bibliothèque. C'est très certainement à cette occasion que Jules César rencontra l'astronome et mathématicien Sosigène qui le conseillera dans sa réforme du calendrier romain - nous y voilà.
Jules César retourna à Rome en 47 (a-t-il emmené Sosigène avec lui, je l'ignore), repartit guerroyer en Afrique et en Espagne et revint enfin à Rome où, pendant les quelques mois qu'il lui restait à vivre, entreprit des réformes profondes dont une refonte complète du calendrier romain, avant d'être assassiné le 15 mars 44 av. J-C.

Avec 10 jours en plus dans l'année (365 au lieu de 355), le nouveau calendrier est résolument solaire mais il est vrai que pratiquement toute trace de cycle lunaire avait déjà disparu du calendrier de Numa Pompilius.

Environ un siècle plus tôt, Hipparque, un astronome et mathématicien grec, avait évalué la durée de l'année tropique avec une précision étonnante, 365 j 5 h 55 min ! [1] Sosigène devait connaître cette valeur mais la valeur moyenne de l'année julienne fut quand même fixée à 365 j 6 h. L'écart de 5 min a peut-être paru insignifiant, à moins que l'on ait renoncé à imposer une règle forcement complexe pour en tenir compte ? Quoiqu'il en soit, on se contenta de compenser le quart de jour omis chaque année par l'ajout d'un 366e jour tous les 4 ans.

Ce jour supplémentaire est souvent présenté comme un doublement du 24 février, la meilleure preuve étant son nom, qui nous a donné bissextile : le 24 était selon la méthode de comptage des Romains le 6e avant les calendes de mars (sextilis ante calendes martias), et le jour supplémentaire a été nommé bis sextilis ante calendes martias.
Je ne suis pas d'accord avec cette opinion : Censorinus [2] nous apprend que le 366e jour était intercalé après Terminalia, et Macrobius [3] entre Terminalia et Regifugium (tous les 4 ans [les prêtres …] intercalaient un jour précisément dans le mois et à la place même où était auparavant pratiquée l'intercalation, … à savoir avant les 5 derniers jours du mois de février et un peu plus haut, [dans le calendrier de Numa Pompilius,] cette intercalation se fit en février de préférence, entre les Terminales et le Régifugium).
Le calendrier ci-contre (il s'agit d'une reconstitution d'un calendrier de la fin de la république) montre très clairement la place de ces deux fêtes dans le mois de février entre le 23 et le 24 [4]. Les Romains avaient une méthode curieuse pour numéroter leurs jours, à rebours par rapport à des jours fixes du mois. Ainsi le dernier jour de n'importe quel mois s'appelait veille (Pridie) des calendes du mois suivant (les calendes signalaient le premier jour des mois). D'autre part, le pénultième jour d'un mois n'était pas noté 2e avant les calendes mais 3e, et l'antépénultième 4e.
Ainsi, le 6e jour avant les calendes de mars était le 24, et il me semble naturel de penser que le « bis sextilis ante calendes martias » n'était pas le jour après le 24 février, mais bien avant, entre le 23 et le 24. (on pourra me faire remarquer que cela n'a pas beaucoup d'importance ; on n'aura pas tort !)

 

Pour Macrobius et Censorinus, les 10 jours supplémentaires furent répartis dans les 12 mois existants : janvier, sextilis et décembre en reçurent, avril, juin, septembre et novembre un seul, et les autres mois restèrent inchangés.

 

Jan.

Fév.

Mars

Avr.

Mai

Juin

Quint.

Sext.

Sept.

Oct.

Nov.

Dec.
Numa Pompilius

29

28 (+)

31

29

31

29

31

29

29

31

29

29
Jules César

31

28 (29)

31

30

31

30

31

31

30

31

30

31

Le calendrier fut mis en place en 45 av. J-C, après une année un peu « spéciale » : le calendrier de Numa Pompilius avait été tellement mal géré par les pontifes qu'il accusait un retard important sur les saisons. Pour corriger l'écart et recaler le début de l'année du nouveau calendrier julien, fixé au 1er janvier, César fut amené à ajouter 67 jours ( 2 mois de 33 et 34 jours entre novembre et décembre) à l'année 46 av. J-C qui compta 443 jours selon Macrobius (De Die Natalis, XIV-3) ou 445 selon Censorinus : « [César] plaça entre novembre et décembre deux mois intercalaires de 67 jours, bien qu'on eut déjà intercalé 23 jours en février, de sorte qu'il fit cette année de 445 jours, qui fut appelé année de confusion ».
Je préfère personnellement la version de Censorinus : si l'on compte le nombre de jours des 12 derniers mois de l'année de confusion, on trouve : 29 (décembre) + 34 (2e mois intercalaire) + 33 (1er mois intercalaire) + 29 (novembre) + 31 (octobre) + 29 (septembre) + 29 (Sextilis) + 31 (Quintilis) + 29 (Juin) + 31 (mai) + 29 (avril) + 31 (mars), ce qui donne … 365 jours. Une coïncidence sans doute !
Quoiqu'il en soit, avec cette disposition le calendrier fut calé de telle façon que l'équinoxe de printemps tombait le 25 mars selon les calculs de Sosigène, ce qui est important pour la suite de l'histoire du calendrier.

Après la mort de Jules César, le mois Quintilis fut en son honneur rebaptisé Julius, qui est devenu notre mois de juillet. La règle des années bissextiles fut d'abord mal appliquée . L'erreur ne fut corrigée que sous le règne de l'empereur Auguste et en 8 apr. J-C, le nom d'Auguste fut donné au mois sextilis en son honneur « Considérant que c'est au mois de sextilis que César investi du pouvoir de commandement a exercé son premier consulat, qu'il est entré en triomphateur à Rome à trois reprise, que ses légions sont descendues du Janicule et ont suivi ses auspices et le respect du serment militaire, que c'est encore au cours de ce mois que l'Égypte a été soumise à la domination du peuple romain et dans ce mois qu'une fin a été imposée aux guerres civiles, que pour toutes ces raisons ce mois a été heureux pour l'Empire romain, le Sénat décide de lui donner le nom d'Augustus » Macrobius.

 

Pour finir, je voudrais relever une erreur que l'on trouve fréquemment : à l'origine, la durée des mois aurait été sensiblement différente de celle qu'indiquent Censorinus et Macrobius. La durée des mois telle que nous la connaissons n'aurait été définitive qu'en 8 apr. J-C : pour ne pas que Auguste soit considéré comme inférieur à César, on aurait ajouté à augustus un 31e jour pris à février et, pour éviter d'avoir 3 mois consécutifs comptant 31 jours, le nombre de jours de septembre et octobre, ainsi que novembre et décembre aurait été interverti.

 

Jan.

Fév.

Mars

Avr.

Mai

Juin

Quint.

Sext.

Sept.

Oct.

Nov.

Dec.
réforme julienne

31

29 (30)

31

30

31

30

31

30

31

30

31

30
Auguste

31

28 (29)

31

30

31

30

31

31

30

31

30

31


Malheureusement, les sources qui permettent une telle affirmation ne sont jamais citées, peut être parce qu'il n'y en a pas ! Une référence à un texte d'Ovide laisserait penser que le mois de février aurait compter 29 et 30 jours.
Parlant de la fin de la royauté, Ovide précise que le nom Regisfugium vient de la fuite du Roi qui a eu lieu le 6e jour avant les calendes de mars. L'auteur du site signale que sur plusieurs calendriers l'indication Regis figure à la place du 24e jour de février, ce qui signifierait que février avait 29 jours (et 30 les années bissextiles).

Je pense que la confusion vient d'une mauvaise interprétation du terme 6e jour avant les calendes de mars. Comme je l'ai déjà précisé plus haut, les romains utilisaient une manière curieuse (pour nous) de compter les jours, à rebours par rapport à des jours fixes du mois. Le dernier jour de n'importe quel mois s'appelait veille (Pridie) des calendes du mois suivant, et le pénultième jour d'un mois n'était pas noté 2e avant les calendes mais 3e, et l'antépénultième 4e. Ainsi le 6e jour avant les calendes de mars correspond au bien 24 février, qui ne compte que 28 jours.

[1] au lieu de 365 j 5 h 48 min 45,97 s, soit une erreur d'un peu plus de 6 minutes. Plus étonnant encore, son évaluation de la durée moyenne d'une lunaison ne diffère que de 1 seconde de la valeur couramment admise aujourd'hui, c'est à dire une précision bien supérieure à ce que pouvait lui donner les instruments de mesure de l'époque.

[2] Censorinus, De Die Natalis, XII-20. A consulter sur le site de William Thaler.

[3] Macrobius, Les Saturnales.

[4] On peut également consulter le site http://www.novaroma.org/calendar/februarius.html