HISTOIRE DES CALENDRIERS

 

Le calendrier Grégorien

 

Le calendrier julien évaluait la durée de l'année à 365 jours et 6 heures.
Cette durée était un peu trop longue, car, suivant les données actuelles, l'année tropique, qui diminue d'environ une demi seconde par siècle, devait être de 365 jours 5 heures 48 minutes 56 secondes au commencement de notre ère, de 365 j. 5 h. 48 m. 47 s. 5 vers la fin du XVIè siècle et est évaluée depuis le début du XXè siècle à 365 j. 5 h. 48 m.46 secondes (45 s. 98).
Si minime qu'elle paraisse, la différence de un peu plus de 11 secondes par an, entraîne pourtant un jour d'avance en 128 ans. L'équinoxe de printemps qui arrivait, à l'époque de la réforme julienne, au 25 mars, et en 325, date du concile de Nicée, au 21, tombait, au xviè siècle, au 10 du même mois. Quand le calendrier marquait le 21, l'équinoxe réel était déjà passé depuis dix jours. On célébrait donc Pâques trop tard, et si l'écart avait continué de s'accroître, on aurait célébré successivement cette fête un, puis deux et trois mois après la date astronomique, et les mois civils auraient complètement cessé de correspondre aux mêmes saisons de l'année pour revenir à leur vraie place après une période d'environ 20 000 ans.

Les computistes du moyen âge entrevirent le défaut du calendrier en usage, mais il fallut plusieurs siècles pour préciser l'erreur et trouver le moyen d'y remédier.
Au milieu du XIIIè siècle, alors que l'écart n'atteignait encore que sept jours, un moine écossais qui séjourna longtemps à Paris, John de Holywood, semble avoir le premier révélé l'inexactitude et mis en avant l'idée de modifier l'intercalation julienne. Bientôt après, une réunion d'astronomes espagnols, convoqués par Alphonse X de Castille, fixa à 365 jours 5 heures 49 minutes 12 secondes la durée de l'année tropique.
Vers le même temps, l'astronome anglais Jean de Sacrobosco, Robert Grossetête, évêque de Lincoln, Campano de Novare, chanoine de Paris, s'occupèrent de la question et firent mieux sentir la nécessité d'une correction. Roger Bacon fit au pape Clément IV des propositions pour changer la règle de I'intercalation.
Au XIVe siècle, le pape Clément IV s'intéressa au problème et demanda des études à divers savants, notamment à deux mathématiciens français, Jean des Murs et Firmin de Belval. Mais le pontife, en possession de leur mémoire, mourut avant d'avoir pris aucune décision.

L'affaire fut soulevée de nouveau dans la première moitié du xvè siècle. Le cardinal Pierre d'Ailly en saisit le concile de Constance en 1417, mais sans résultat. Le concile de Bâle (1437-1439), sur la proposition du cardinal Nicolas de Cusa, prépara un décret qui ne fut pas promulgué.
De plus en plus nombreuses furent les voix qui s'élevèrent pour demander la réforme, entre autres celles de Paul de Middelbourg, Nicolas Gregoras, Isaac Argiro, Bède, Stomer, Miguel Stifler, Pighius, Lucidus, Pitatus, Sepulveda, Copernic, etc.
Le pape Sixte IV, à la fin du xvè siècle; fit venir à Rome le savant astronome Jean Muller de Koenigsberg (Regiomontanus), qui mourut avant de pouvoir y travailler. En 1514, le concile de Latran provoqua une enquête dans la chrétienté sans aboutir encore.

Le concile de Trente, en 1563, s'en remit au pape du soin de décider cette réforme, en même temps que du bréviaire et du missel. Ces deux dernières furent opérées par Pie V et ce fut seulement Grégoire XIII, en I582, qui réussit a réaliser celle du calendrier. Dès le début de son pontificat, Gregoire XIII réunit, sous la présidence du cardinal Sirlet, une commission de savants parmi lesquels il faut nommer le Calabrais Aloïsio Lelio, auteur d'un projet qui servit de base de discussion, son frère Antonio, Ignacio Dantes, le jésuite allemand Christophe Clavius, et le mathématicien espagnol Pedro Chacon.
Quelques-uns des membres de la commission pensèrent qu'il ne fallait pas retrancher de jours au calendrier, mais seulement compter pour jour de l'équinoxe de printemps le 11 mars, à l'exemple des Pères de Nicée qui l'avaient laissé au 21. Il n'y aurait ainsi rien à changer au cycle solaire, ni aux lettres dominicales.
D'autres proposèrent de supprimer quinze jours afin de remettre l'équinoxe au 25 mars, où l'on croit qu'il était encore au temps de Notre Seigneur, ce qui rétablirait aussi la fête de Noël précisément au solstice d'hiver, l'Annonciation à l'équinoxe de printemps et la nativité de saint Jean-Baptiste au solstice d'été.
Et d'autres enfin déclarèrent qu'il vaudrait mieux supprimer seulement dix jours pour reporter l'équinoxe au 21 mars, comme il était lors du concile de Nicée, pour marquer plus de respect à ce concile et introduire moins de changements dans les livres liturgiques qui venaient d'être refaits par Pie V.

Grégoire XIII adopta cette dernière proposition, mais voulut que la suppression des dix jours fût faite toute d'une fois et non par l'omission des bissextiles pendant 40 ans.
Lorsque, après de longues discussions, le projet fut élaboré, le pape le communiqua aux princes, aux républiques, aux académies catholiques et, assuré de leur consentement, promulgua par la bulle Inter gravissima, du 24 février 1582, la réforme du calendrier julien, réforme qui, du nom de son auteur, fut appelée réforme grégorienne. Elle consistait à supprimer dix jours entiers.
La date choisie pour la suppression était entre le 4 et le 15 octobre de la même année.

Un fait resté célèbre a l'occasion de la mise a exécution de la réforme fut qu'en Espagne Sainte Thérèse d'Avila, morte le 4 octobre 1582, fut enterrée le lendemain qui se trouva être le 15.

Puis, pour éviter que l'erreur qu'il venait de faire disparaître ne reparût dans la suite, Grégoire XIII établit qu'on retrancherait à l'avenir trois jours bissextiles par période de 400 ans et que cette suppression porterait sur les années séculaires dont les deux premiers chiffres ne seraient pas divisibles par 4. D'après cette règle, les années 1700, 1800 et 1900 ont été des années communes, tandis que 1600 a été bissextile et l'an 2000 le sera.
La correction grégorienne entraîna comme conséquences d'importantes modifications au comput ecclésiastique relatives au cycle solaire de 28 ans, aux épactes et au cycle pascal de 532 ans.
Le nouveau calendrier fut adopté dans les conditions indiquées par Grégoire XIII.

L'Italie, l'Espagne et le Portugal passèrent du jeudi 4 au lendemain vendredi I5 octobre 1582.
Le Danemark l'accepta aussi en 1582.
En France, on en recula l'application jusqu'à la fin de l'année : le lendemain du 9 décembre fut le 20 décembre. Il en fut de même en Lorraine.
La Savoie, les Etats catholiques de l'Allemagne et des Pays-Bas supprimèrent, après le 21 décembre, dix jours qui formaient la fin de l'année 1582 et le lendemain fut le 1er janvier 1583.
En Autriche et en Suisse, la réforme fut introduite en 1584.
En Pologne, le lendemain du 21 décembre 1584 devint le 1er janvier 1585.
En 1587, ce fut le tour de la Hongrie.
Tous ces Etats étaient catholiques.

Plus d'un siècle s'écoula ensuite avant que le calendrier grégorien fût reçu par les protestants. Longtemps ils préférèrent, comme on disait alors, "n'être pas d'accord avec le soleil que de l'être avec Rome".
Les protestants d'Allemagne, lorsqu'ils se décidèrent à appliquer la réforme, ne l'adoptèrent que corrigée par Weigel d'après les tables de Képler. Ils acceptèrent la suppression des dix jours en excès, mais au système des épactes qu'ils trouvaient trop compliqué dans le comput grégorien, ils substituèrent dans la détermination de l'équinoxe et des phases de la lune, régulatrices des dates de la fête de Pâques, les tables astronomiques, sans se servir du nombre d'or, des épactes ni des lettres dominicales.
Il en résulta que dans ces pays Pâques et les autres fêtes mobiles qui en dépendent pouvaient tomber à des jours différents de ceux des pays catholiques.
C'est en 1699 qu'on adopta le nouveau calendrier; la suppression des dix jours se fit entre le I8 février et le 1er mars 1700. Mais en 1778 Frédéric le Grand ordonna d'abandonner dans ses Etats la correction de Weigel et d'adopter le comput grégorien sans aucune modification.

Le Danemark, qui avait accepté la réforme en 1582, adopta en 1700 les modifications protestantes.
Les protestants des Pays-Bas reçurent aussi le nouveau calendrier en 1700 et en 1701.
En Suède, le roi Charles IX, craignant que la suppression de dix jours en une seule fois n'occasionnât des troubles comme ceux qui avaient eu lieu à Riga, décida l'omission des jours bissextiles depuis 1696 jusqu'à 1744 et l'accord se trouva dès lors établi avec le nouveau style.
Ce ne fut qu'en 1752 que l'Angleterre et l'Irlande passèrent du mercredi 2 septembre au jeudi 14 septembre. Ces pays profitèrent de l'occasion pour ramener au 1er janvier le commencement de l'année qui était encore chez eux au 25 mars.
Ce dernier changement provoqua à Londres une émeute qui parcourut les rues de la ville en criant : "Rendez-nous nos trois mois !".

04/10/1582 : Rome, Espagne, Portugal, Pologne.
05/10/1582 : Autriche (Salzbourg, Tyrol). 10/12/1582 : France. 14/12/1582 : Autriche (reste), Luxembourg. 21/12/1582 : Pays-Bas (partie). 06/01/1584 : Boheme-Moravie (soit en gros la Tchecoslovaquie) 21/10/1587 : Hongrie. 22/08/1610 : Prusse. 04/02/1682 : Alsace (France). 1700 : Hollande (protestants). 18/02/1700 : Danemark, Norvège (partie du Danemark) 19/02/1700 : Allemagne. 31/12/1700 : Suisse (cantons protestants). 02/09/1752 : Angletterre et colonies (l'année commence au 1/1 au lieu du 1/3). 17/02/1753 : Suède (Finlande incluse) 16/02/1760 : Lorraine (France) 10/1867 : Alaska (achat à la Russie par les Etats-Unis). 1878 : Egypte 18/12/1911 : Chine 12/1912 : Albanie. 1912 : Bulgarie (ou 1915/1916) 1918 : Estonie. 01/02/1918 : U.R.S.S. 1919 : Yougoslavie. 31/03/1919 : Roumanie. 09/03/1924 : Grèce. 18/12/1926 : Turquie.