Une abbaye millénaire pour jeunes fille nobles

Les origines de l'abbaye de Masevaux paraissent obscures. Elles remontent au VIIIe siècle où selon une légende, le prince Mason, seigneur des lieux, neveu de sainte Odile, éprouvé par la mort de son unique fils, noyé dans la Doller, renonce à tous ces biens. L'abbaye est nommée en 780 dans un document par lequel Charlemagne accorde l'abbaye de Masevaux, coenobium Mansunvilare, à un moine, nommé Adam en récompense de la transcription de l'Ars Grammatica de Diomède.

Si, au début, les règles monastiques sont celles de saint Benoît, rapidement le couvent se transforme en chapitre de dames nobles, sous la direction d'une abbesse. Particularité de ces chanoinesses : elles ne prononcent que les voeux d'obéissance et de chasteté, mais non celui de pauvreté. Leur rang leur permet de mener un certain train de vie et de recruter dans les milieux de la noblesse de toute l'Alsace du sud, du pays de Bade et de la Suisse.

L'abbaye de Masevaux possède de nombreux biens et terres dans la vallée et au-delà. Si leurs revenus sont substantiels, leur possession suscite de la jalousie. La Mère abbesse est obligée d'accepter la tutelle des seigneurs des lieux qui peu à peu s'emploient à la déposséder de ses droits. Les forêts surtout, sont convoitées du XVe au XVIIIe siècle, avec l'exploitation des mines et l'existence des forges et hauts-fourneaux.

Une période sombre est celle de la Guerre des Paysans et de la guerre de Trente Ans. La dernière abbesse, Xavière de Ferrette-Florimont veut installer plus dignement les chanoinesses et donner plus de lustre à l'abbaye. Elle confie un projet gigantesque à François Martin Burger et à Jean-Baptiste Kléber, jeune inspecteur des bâtiments publics du Haut-Rhin, futur général de Napoléon. C'est à ce dernier qu'on doit la remarquable réalisation architecturale de la Cour du Chapitre. En cinq ans, de 1785 à 1789, il érige sept maisons canoniales et le pavillon abbatial avec son salon d'été, chef-d'oeuvre du néoclassicisme. L'enclos est fermé par l'église abbatiale. Dans son milieu se dresse la magnifique fontaine des Anges, appelée aussi fontaine de la Vierge aux roses .

La Révolution française mettra un terme à plus de mille années d'existence de l'abbaye de Masevaux. Les chanoinesses prennent le chemin de l'exil. Les biens du monastère sont vendus en 1798 en huit lots. Les bâtiments sont attribués à des particuliers. Une partie devient la propriété de Nicolas Koechlin, industriel mulhousien qui, au début du XIXe siècle, y construit une usine textile.

Le 30 janvier 1826, décède la dernière abbesse, Suzanne Xavière, baronne de Ferrette-Florimont, à l'âge de 91 ans. Elle est enterrée à l'ancien cimetière de Fribourg en Brisgau. La Cour du Chapitre, devenue propriété indivise, avec ses maisons canoniales conservées, témoignent aujourd'hui du passé millénaire de l'abbaye et rappellent le célèbre architecte, Jean-Baptiste Kléber.